Parfois nous choisissons le métier de consultant (d’accompagnant, de coach, de conseiller, …) parce que nous aimons « aider » : une personne, une association, un groupe, une entreprise. L’objectif de l’accompagnement, pour cette personne, cette entité, ou ce groupe… est d’améliorer une situation, diminuer ou faire cesser un dysfonctionnement, voire une souffrance.
Beau projet, et vertueux s’il en est.
Un point de vigilance est que la position de « conseiller », avec l’expertise qui y est le plus souvent associée, peut nous faire entrer dans un rôle de Sauveteur dans le Triangle Dramatique décrit par Stephen Karpman : le principe de ce triangle illustre la mécanique des Jeux Psychologiques où les protagonistes adoptent l’un des trois rôles (Sauveteur, Persécuteur Victime) et changent de rôle à l’occasion d’un « Coup de Théâtre » (ou « moment de stupeur », voir Eric Berne et son équation des Jeux Psychologiques).
Le rôle de Sauveteur, c’est se poser en protecteur, déniant à l’autre sa capacité à s’aider lui-même. Il peut par exemple aider sans avoir eu de demande, ou aider sans contrepartie, ou une faible contribution de la Victime.
C’est donc une position qui présume que la Victime est impuissante, n’est pas capable de « prendre le contrôle de sa vie ». Cela maintient une position d’infériorité de la Victime, un rapport de pouvoir du Sauveteur qui compromet le progrès qui était envisagé. Le changement de rôles guette : l’accumulation des sentiments de dépit chez l’un ou chez l’autre le transforme en Persécuteur, l’autre prenant le rôle de Victime.
Claude Steiner, Analyste Transactionnel renommé, a établi la Trousse de Secours du Sauveteur pour tous ceux qui s’engagent (ou sont appelés) dans une relation d’aide, même ponctuellement. Il s’agit de les outiller, pour éviter d’entrer dans la danse » dans ce rôle de Sauveteur. Qu’il s’agisse d’une demande informelle pour un « coup de main », de la demande insistante d’une personne de notre entourage, ou de notre métier d’accompagnant, déplions la Trousse de Secours et demandons-nous :
1- Est-ce que c’est de ma responsabilité ?
2- Ai-je eu une demande claire ?
3- Est-ce que j’ai (vraiment) envie de faire ce qui m’est demandé ?
4- Est-ce que j’ai la capacité / les compétences pour répondre à cette demande ?
5- Est-ce que je ne vais faire que la moitié du chemin (et pas plus), et l’autre personne fera l’autre moitié ?
Si l’on répond Non à l’une de ses questions, nous connaissons le risque d’endosser le rôle de Sauveteur… et de danser dans le Triangle !
Dans ce cas, il est préférable de dire… non.
Il est aussi possible de poser d’autres bases en travaillant les conditions d’un contrat sain. Claude Steiner, encore lui, définit les 4 conditions d’un tel contrat :
- Le consentement mutuel
- Une juste rétribution
- La compétence à agir (ressources disponibles pour chacune des parties)
- Un objet licite.
Ces points de repères me semblent très utiles dans nos métiers pour aider et coopérer sans sauver.
Sources : Claude Steiner, Des scénarios et des hommes (1974) – Eric Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ? (1972) – Stephen Karpman, Fairy tales and script drama analysis.